Les ouvriers de la onzième heure

18 septembre 2020

Nous connaissons bien ce récit et chaque fois que nous l’entendons nous avons la même réaction : il n’est pas normal que ceux qui ont travaillé plus ne gagnent pas plus. Cela a même été un argument de campagne électorale : travailler plus pour gagner plus ! Mais, justement, comprendre la parabole, c’est comprendre le paradoxe : quel que soit le travail accompli, le salaire est le même.

Mais faut-il parler de salaire ? Le salaire est l’obligation du patron pour le travail accompli par l’ouvrier. Normalement, cela se décide sur la base d’un contrat. Mais, peut-on imaginer un contrat entre Dieu et l’homme, un contrat par lequel Dieu serait lié au même titre que n’importe quel employeur ? Non ! Et tout le sens de la parabole est de nous dire que si Dieu envoie à sa vigne et s’il rémunère, il n’est en rien un patron et que, donc, du coup, nous ne sommes pas, non plus, de simples employés.

On a fait du travail une malédiction ! Ainsi, travailler à la vigne apparaît comme pénible et lié à la contrainte de la subsistance. Mais, dans la parabole, travailler à la vigne est un honneur et un bonheur.

Nous avons été appelés par le Seigneur. Il arrive qu’il prenne un ton impératif. C’est pour ma part ce que j’ai vécu. Mais, on comprend, lorsqu’on est appelé, que ce n’est pas un malheur, mais pour le bonheur. Alors, bien sûr, le bonheur, ce n’est pas toujours facile. Le bonheur a ses exigences et ses obligations. Le bonheur, ce n’est pas être allongé au bord de la piscine. C’est agir en faveur de ceux que l’on aime.

Lorsque nous sommes envoyés à la « vigne du Seigneur », il nous faut nous arracher à la paresse, au laisser-aller, au désœuvrement, mais nous y allons parce que nous savons que la vigne est le lieu où s’accomplit la volonté aimante du Seigneur. Le travailleur de la vigne est heureux. Travailler à la vigne est son bonheur.

Pourtant, ce travail débouche sur une rémunération. Cette rémunération n’est pas définie par la somme du travail accompli. Car, elle n’est pas, en fait, une rémunération. Elle est un don. C’est ce que signifie le montant exorbitant du salaire dans la parabole ; au temps de Jésus, une pièce d’argent c’est plus que beaucoup pour une journée de travail. C’est énorme.

Mais, quel est ce don ? C’est tout simplement l’entrée dans le Royaume. Parce que j’ai travaillé à la vigne, peu importe que cela ait duré une heure ou une journée, j’entre dans le Royaume. En d’autres termes, la vigne c’est l’Eglise, la pièce d’or le Royaume.

Frères et sœurs réjouissons-nous de ce Dieu qui n’est pas un patron qui rémunère le travail, mais un Père très aimant qui envoie ses enfants à sa vigne pour les combler de ses dons.

Appelés à vivre dans l’Eglise, travaillons - oui, travaillons ! Et sans ménager notre peine vivons et annonçons l’évangile et nous entrerons dans le Royaume, à cause de la générosité sans limite du Seigneur, une générosité qui n’a rien de comptable, qui ne salarie pas, mais qui donne !

Une marque essentielle du christianisme est qu’il n’est pas une religion de la Loi. En se faisant homme et en allant jusqu’à la mort sur la croix, le Fils de Dieu ruine tout calcul et remet en cause toute proportionnalité entre ce que Dieu donne et ce que l’homme fait ou prétend faire.

Le christianisme est la religion de la gratuité et de la générosité. Soyons généreux ! Ne soyons pas, sans cesse, à dire : « J’en ai fait assez ! » ou pire : « Il en a fait moins que moi ! » Laissons-nous entraîner, saisir ! par la générosité du Christ et travaillons sans ménager notre peine à la vigne du Seigneur - c’est ainsi que nous nous réjouirons avec ceux qui, peut-être, en auront fait moins que moi. Mais, il y en a tant qui font bien plus que moi !